Pourquoi lancer en catimini des invitations à un cercle restreint de journalistes alors qu’il s’agit, selon son concepteur, d’un projet unique en France, voire même en Europe ? Pourquoi précipiter le pas et donner rendez-vous un lundi à l’heure de la digestion alors que le permis de construire de la Neptune Arena ne sera pas déposé avant dix mois ? Pourquoi convier une majorité du personnel des structures volley et handball et l’inviter à partager la parole ? Pourquoi voir grand pour 2028 mais deux mois seulement après la reprise des compétitions mettre un sacré coup de frein aux ambitions affichées ? Peut-être que le discours entendu hier au siège de Réalités était tout simplement destiné à une autre cible que ceux chargés de relayer l’information. Par exemple, les actionnaires d’un groupe secoué par la crise immobilière ou d’éventuels investisseurs.
Yoann Choin-Joubert, voit grand et loin. À l’écran, est apparu le projet Kertrucks, du nom du groupe spécialisé dans les véhicules industriels et utilitaires avec lequel Réalités est en cours de finalisation pour l’achat de la parcelle située route de Vannes, à Orvault. On n’est pas dans un quartier bobo, mais dans un quartier nord. C’est une belle escalope foncière dans une zone en pleine transformation. Un projet urbain représentant 160 millions d’euros de chiffre d’affaires, avec une salle enterrée de 2 500 à 3500 places. Vous ne voyez pas une espèce d’écrin sur un Totem avec un melon d’architecte fou. Vous avez au contraire un truc rationnel qui ne coûte que 12 millions d’euros pour 3 000 places. C’est à peu près 6 M€ d’aménagement et 6 M€ de coût de structure que l’on paie pour faire la salle. Les autres murs, ce sont ceux des ouvrages attenants
Et le PDG de Réalités de faire l’inventaire en compagnie de son nouveau bras droit Olivier Jéhannet, le successeur de Laurent Godet poussé vers la sortie pour avoir trop dépensé : un hôtel trois étoiles plus de 250 chambres, une brasserie, des logements (environ 200), des bureaux, des commerces, un Pôle Santé, une crèche, une résidence intergénérationnelle, un bout de coliving. Le tout sur une surface de plancher global de 40 000 m2 dont 2 800 m² pour la salle. Tout ça s’imbrique autour de la non Arena qui est en fait une vraie Arena ! L’idée est de disposer d’un vrai lieu de spectacle ou l’on puisse faire du noir, pousser le son et contrôler la température car à Mangin on a froid l’hiver et on transpire comme des brutes l’été !
Déménager est une nécessité pour Yoann Chouin-Joubert et ses collaborateurs. On ne peut pas jouer dans un gymnase des années 70 et proposer un spectacle du XXIe siècle ! Mangin-Beaulieu n’est plus en adéquation avec le développement et la trajectoire souhaités pour le club. On va avoir 150 000 places à vendre par an dans la nouvelle salle. Le jour où vous vendez dix euros votre place nette dans la poche du club, vous obtenez 1,5 M€ là où les recettes grand public représentent aujourd’hui 110 000 euros. Ce qui coûte cher, c’est la place vide et le non-événement.
On peine à croire que des jeux de lumière, un écran de fumée, une meilleure sonorisation, un siège plus confortable ou une boisson à la place puissent suffire à multiplier par dix le nombre de supporters des Neptunes. Car la réalité est cruelle et le bouillant promoteur ne s’en est pas caché. Hormis les rencontres au sommet contre Mulhouse, Cannes, Metz ou Brest, le nombre de places payantes n’excède pas les 300. Oui, il y a un petit déséquilibre… Un nouvel outil doit aider à transformer les choses. Dépenser de l’argent dans le sport, c’est facile, investir dans le sport, c’est autrement plus difficile. Le jour où les équipes corpos (les administratifs) se paieront elles-mêmes, on aura franchi un grand pas. C’est cette première boucle négative qu’il faut tuer ! Ensuite, progressivement, avec la Neptune Arena, arriver au 2 ou 3 millions de revenus, peut-être même plus.
Yoann Chouin-Joubert a beau s’en défendre, cela fait penser au projet Yello Park qu’il a conduit aux côtés de Waldemar Kita. Ce n’est pas comparable. Déjà par la taille, car je vous rappelle que le Yello Park démarrait pas loin du milliard. Et puis, ce n’est pas du football. Il y a une cohérence entre le club et l’entreprise et entre le club, l’entreprise et le territoire. En termes d’ingénierie, cela a tout à voir. En termes de contexte et de sagesse, cela n’a rien à voir. Le Yellow Park a été une occasion manquée pour la Métropole de Nantes. C’était une erreur funeste d’être resté sur un stade neuf. Ici, il n’y a pas de mémoire de lieu.
La question se pose malgré tout de savoir ce qu’il restera des Neptunes au deuxième trimestre 2028 date de la livraison de cette nouvelle enceinte. Réalités subit de plein fouet depuis un an la crise de la construction immobilière. Entre 50 et 150 suppressions d’emplois sont régulièrement évoquées. Si les derniers résultats du groupe demeurent solides, ils montrent également un recul du résultat net. Les banques se font tirer l’oreille pour accompagner un promoteur dont le modèle repose sur la levée de fonds. Déplacer le siège social du groupe sur Orvault, à côté de la Neptune Arena, ne figure plus à l’ordre du jour. Réalités se cherche tout bonnement des partenaires pour prendre part à l’aventure actionnariale comme l’a rappelé Olivier Jéhannet.
Sur le terrain, ça risque de tousser. L’ambition Ligue des champions attendra , a bien rappelé le nouveau président délégué du club. On voulait mettre deux millions cette saison, on se retrouve à en avoir investi 4,5 ! On n’a pas été bons, reconnaît Yoann Chouin-Joubert. Il est évident que l’on ne va pas rester avec un tel montant de contribution. Resteront celles qui veulent rester, partiront celles qui veulent partir. Et puis, on recrutera moins cher pendant un, deux ou trois ans. On a un projet qui dépasse la conjoncture. Il faudra des gens qui acceptent des ambitions sportives revues à la baisse. Arnaud (Ponroy) a bien gagné une coupe d’Europe avec 800 000 € ! En handball, on est déjà condamné à la troisième place. Ça veut dire que l’on ne fera pas mieux que l’an dernier avec deux fois plus de budget de la part de l’actionnaire. Vu sous cet angle, 2028, c’est loin, très loin.